vendredi 25 juin 2010

Les drames de Saint-Martin-le-Gaillard et de Douvrend (1/4)

    Les ancêtres que nous partageons au fil des alliances ont parfois des destinées violentes.
Je vous ai relaté le double assassinat du couple VERDIER, voici maintenant, grâce à plusieurs cousins-cousines, chercheurs infatigables qui ont retrouvé aux archives les pièces originales des procès ainsi qu'un article du Journal de Rouen et en ont réalisé le condensé ... le récit d'un drame abominable qui a bouleversé toute la Seine-Inférieure.
   
 Découverte des meurtres de Saint-Martin-le-Gaillard

    En ce lundi 17 octobre 1836, vers six heures trente du matin, le village de Saint-Martin-le-Gaillard s'éveille dans un voile de brume.

    Marie Catherine Bouteleux, âgée de 28 ans, femme de Jean Charles Doré, cultivateur, presse le pas pour se rendre à l'église, où M. le curé doit dire une messe à son attention. Elle pénètre dans l'église dont la porte est entrouverte et s'agenouille sur un prie-Dieu, attendant la venue du curé. Ce dernier tarde cependant à paraître. Intriguée, elle ressort et s'adresse à Vincent Godry, 33 ans, journalier et bedeau, qui s'affaire dans le cimetière alentour et lui demande d'aller voir dans la sacristie si M. le curé est bien à se préparer. L'intéressé s'exécute et ne trouve personne, or M. le curé n'a pas coutume d'oublier une messe.

    Alarmée, M. le curé est âgé, Mme Doré se rend au presbytère dont la porte de la cuisine donne sur le cimetière. Tous les huis de la maison sont encore fermés. Elle frappe deux coups de poing à la porte avec une légère appréhension. Normalement, la servante devrait lui répondre, mais rien ne se passe. Son regard se porte à ses pieds et elle découvre une clé avec laquelle elle tente vainement d'ouvrir la porte. Elle s'en retourne alors pour aller demander au plus proche voisin s'il n'a pas vu M. le curé ce matin, réitérant vainement sa question à une autre voisine qui passe à cet instant.

    Accompagnée du bedeau, elle repasse à tout hasard par l'église et la sacristie, puis ils se dirigent tous deux vers la porte du presbytère. Le bedeau tente, à son tour, d'ouvrir la porte avec cette fameuse clé, toujours sans succès. Ce dernier va jusqu'à la croisée de la chambre à coucher de l'ecclésiastique, dont il trouve l'auvent non croché mais juste poussé contre la croisée et il l'ouvre sans difficulté. Il voit alors que tout est bouleversé dans la chambre et jette des hauts cris.

    Les voisins accourent. Quelqu'un tire sur l'auvent de la cuisine, lui aussi non croché. Le spectacle est insoutenable. Sur le carrelage poisseux de sang noir gisent trois corps : ceux de l'abbé Lhermina, de sa jeune nièce et de la servante.
Le bedeau court alerter le maire. Le magistrat lui commande de se rendre au plus vite à Eu, prévenir la gendarmerie et le procureur du Roi, et fait refermer toutes les issues et place deux gardes nationaux en faction.

    Plusieurs heures plus tard, juge de paix, chirurgien et maréchaussée se pressent dans le presbytère. Les premières constatations commencent. Selon toutes les apparences, le crime a été consommé la veille, vers neuf heures du soir.
Journal de Rouen 21.10.1836 - Archives départementales de Seine-Maritime. Photo cliquable

    Le curé est couché sur le dos, près de la cheminée. Il parait avoir été trainé par les pieds après être tombé la tête dans la cheminée où se trouve encore son bonnet. Il y a en effet deux mares de sang :  l'une à la place où la tête a porté lors de la chute, l'autre à l'endroit où elle repose après que le corps eut été traîné. Sa redingote est légèrement brûlée. L'abbé était vraisemblablement assis dans la cuisine près du foyer, soupait ou venait de souper au moment où sont entrés les assassins. Une petite table était près de lui et l'on a trouvé par terre assiette, fourchette, couteau et un morceau de pain. Il se sera levé mais un coup violent lui a été porté sur le côté droit de la tête. La fracture est telle qu'une énorme dépression se trouve au crâne et à la face : les os sont broyés et une partie de la cervelle a jailli dans l'âtre. Une pincette et une pelle à feu sont retrouvées sous le cadavre. Cette dernière est courbée vers l'avant et, à la jonction du manche, le chirurgien relève du sang coagulé mélangé à des cheveux adhérents. En rapprochant la palette de la blessure et des deux autres plaies du front, il y trouve une exactitude de forme certaine : il détient là l'arme du crime, du moins pour le curé et sa servante.

    Céleste Paris, la servante, âgée d'une quarantaine d'années, est tombée la face contre terre, la tête non loin des pieds du curé. La malheureuse a été frappée derrière la tête et cette partie du crâne est, elle aussi, broyée; en outre, elle est défigurée par des coups portés alors que sa tête reposait déjà à terre. Elle parait avoir lutté avant de succomber : un de ses ongles est arraché et l'on a trouvé aux autres quelques indices qui pourront servir à la justice.

    Marie Rose Cayeux, 18 ans, est la nièce du curé. Elle a sans doute été frappée à l'instant où elle sortait de sa chambre, dont la porte donne en face de la cheminée, en tentant de s'échapper par la porte donnant sur la cour. Le coup qui l'a renversée et privée de vie a fracturé le sommet du nez et les os qui sont autour de l'œil. Elle a été, elle aussi, frappée avec une rare barbarie après s'être écroulée. Mais l'instrument utilisé ne semble pas avoir été le même que pour les deux autres victimes : la blessure a plus de profondeur que de surface et le coup d'une extrême violence a plutôt été fait par une masse en fer ou en bois dur, voire une hachette.

Journal de Rouen 21.10.1836 - Archives départementales de Seine-Maritime. Photo cliquable.

   Le chirurgien conclut  que ce triple assassinat a été le fait de plusieurs personnes, au moins deux, puisque les victimes, trouvées dans une même pièce, n'ont pu se porter mutuellement secours. En outre, la situation des blessures de l'abbé et de sa servante montre qu'elles ont été faites par une personne se servant habituellement de la main gauche. Pour la nièce, il est moins affirmatif, les coups ayant été portés de face, mais il n'exclut pas une semblable hypothèse.

    Saint-Martin-le-Gaillard est sous le choc. La paroisse pleure son curé bien-aimé. Les hommes n'ont plus qu'une seule idée, retrouver le ou les auteurs d'une telle atrocité.

Oh mes aïeux, quels peuvent bien être ces monstres ?

A suivre...

2 commentaires:

  1. Je viens de tomber sur ce blog et... c'est passionant!
    Un vraie histoire policière :-)
    Et j'attends impatiemment la fin, en espérant que les coupables soient arrêtés, et que le mobile soit découvert! Qui en voudrait à mort à un petit curé d'un village paisible?

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  2. Merci David !
    Terrible histoire que celle-ci et tu n'es pas au bout de tes surprises...

    J'ai été voir ton blog, très intéressant, je vois que tu as des histoires d'assassinat aussi.

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